Accéder au contenu principal

La guerre est une ruse de Frédéric Paulin: l'origine du mal




😻😻😻
Roman (noir/espionnage) - 384 pages
Agullo Noir - 2018



Premier tome d'une trilogie annoncée, La guerre est une ruse débute en Algérie en août 1992 avec l'attentat de l'aéroport d'Alger pour se terminer à Vaugneray, en septembre 1995 avec la mort de Khaled Kelkal.


On y suit Tedj Benlazar, officier de la DGSE chargé de confirmer aux algériens le parfait soutien de la France dans leur nouvelle vie de nation libre, et de s'assurer au passage que les intérêts de cette dernière sont bien préservés.

Tedj se fait passer pour un imbécile, ça l'arrange bien, personne ne se méfie. 

Pourtant, alors qu'il passe comme chaque jour au centre de détention récupérer les rapports sans intérêt que veulent bien lui transmettre les services secrets algériens (DRS), il est invité à assister à l'interrogatoire disons... musclé, d'un jeune islamiste (ou supposé).

Au fond de la salle se tient un officier algérien aux lunettes cerclées d'or et un jeune homme en barbe et djellaba.

Tedj sent pointer le malaise en devinant des liens contre nature entre l'armée des janviéristes et les mouvements islamistes... évidemment, Tedj vient de mettre le doigt dans un engrenage assez dégueulasse qui va plonger l'Algérie dans des décennies d'une violence inouïe avant de se répandre de manière tentaculaire aux quatre coins du globe.

Extrêmement documenté La guerre est une ruse évoque donc l'après guerre d'indépendance, dont on a beaucoup parlé lors de la précédente rentrée littéraire, notamment avec le formidable L'art de perdre de Alice Zeniter.

Avec force détails, Frédéric Paulin nous plonge dans ces premières années de terreur et l'avènement des partis islamiques, en l'occurrence du FIS, puis les GIA (Groupes Islamiques Armés) sous l'impulsion des conservateurs pas trop  pressés de voir les forces démocratiques succéder au FLN.

Une fois les islamistes en place, y'avait plus qu'à les discréditer en forçant un peu leur radicalisation afin d'asseoir définitivement le pouvoir des militaires.

Sauf que... Sauf que la bête a débordé les militaires, et le territoire.

Le récit est absolument passionnant et érudit.

Un peu didactique à mon sens dans sa première partie, il reprend un souffle romanesque, de manière parfois maladroite, dans la seconde moitié permettant ainsi une empathie bien utile dans ces méandres de noirceur.

Plus document que roman donc, le tout manque un peu de littérature en ce qui me concerne: style journalistique minimaliste, beaucoup de répétitions, personnages insuffisamment construits...

Pour autant, on sort de cette lecture à la fois fasciné et dégoûté de ce que peut faire l'humain pour un peu de pouvoir.

Je me plongerai donc volontiers dans le deuxième tome: Les prémices de la chute, qui devrait nous mener de Sarajevo à New-York en passant par Roubaix...

A suivre...


















Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les marins ne savent pas nager de Dominique Scali: le triomphe de l'imaginaire.

  😻😻😻😻😻 Roman - 728 pages La peuplade - 2023 Mais quelle aventure que cette lecture! Dominique Scali nous débarque sur les côtes de l'île d'Ys, l'Atlantide bretonne qui a résisté aux assauts des François et des Anglois, quelque part, donc, dans l'atlantique, quelque part, a priori, au 18ème siècle. Et on débarque là, un peu comme des naufragés, dans un monde, des paysages, une langue, une histoire, des us et coutumes que l'on ne connait pas... Perdus! Et puis on rencontre Danae Poussin, l'orpheline au tempérament de feu, dont on va suivre la trajectoire jusqu'à sa mort. Avec elle on va apprendre tout ce que l'on ignore: les paysages, le vocabulaire, l'histoire, les us et coutumes... Et c'est là toute la magie du livre: Dominique Scali a créé un monde entier, elle le partage et le transmet avec un naturel proprement étourdissant. Non seulement elle invente un langage, mêlant une sorte de québécois, de vieux français et de vocabulaire maritime...

La version qui n'intéresse personne de Emmanuelle PIERROT: chienne de vie.

  😻😻😻😻😻 Roman - 320 pages Le Quartanier - 2023 Un premier roman coup de poing, brut, animal et totalement addictif. Le récit se focalise sur une petite communauté de punks marginaux, autoproclamés libre-penseurs, qui pourtant cache un conformisme à la papa des plus répugnants. Dans la seconde partie du roman, la focale s'élargit et l'autrice dépeint à la perfection cette capacité proprement humaine à se changer en meute et attaquer les plus fragiles pour servir d'exutoire aux peurs et angoisses individuelles et collectives.  Briser à celui qui est le plus facile à atteindre pour se rassurer quant à sa propre médiocrité. En situant son récit en pleine pandémie, Emmanuelle PIERROT réussit à démontrer l'universalité de cette pulsion aveugle et destructrice qui fait s'acharner les êtres humains à trouver des boucs émissaires, exacerbée par notre dépendance aux réseaux sociaux, qu'il s'agisse d'une petite communauté de punks à chiens ou de la planète ent...

Cher connard de Virginie Despentes: c'est ç'ui qui dit qui y est...

  😻😻 Roman - 352 pages Grasset - 2022 Très sincèrement, je suis assez sidérée des éloges faites à ce roman, à quelques voix discordantes près, annoncé comme "LE" roman de la rentrée littéraire, ce qui me parait injurieux à l'égard tant de la rentrée que de la littérature. J'avais hurlé au génie avec la meute pour Vernon Subutex, et je maintiens, c'est exceptionnel.  Mais là franchement... Cher connard , déjà le titre est à chier, ça sent la provoc de fin de récré, mais bon pourquoi pas (ouioui j'ai compris l'antagonisme entre "cher" et "connard"... ça rend pas la chose intelligente pour autant). L'histoire en substance c'est que Oscar, un écrivain fils de prolo (ça elle y tient aux origines) que le succès à rendu super beauf et alcolo, écrit un message sur internet pour dire qu'elle a pris cher Rebecca, fille de prolo (what a surprise) star vieillissante et droguée du cinéma français, convertie au féminisme. Rebecca lui ré...