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Cher connard de Virginie Despentes: c'est ç'ui qui dit qui y est...

 


😻😻

Roman - 352 pages

Grasset - 2022


Très sincèrement, je suis assez sidérée des éloges faites à ce roman, à quelques voix discordantes près, annoncé comme "LE" roman de la rentrée littéraire, ce qui me parait injurieux à l'égard tant de la rentrée que de la littérature.


J'avais hurlé au génie avec la meute pour Vernon Subutex, et je maintiens, c'est exceptionnel. Mais là franchement...


Cher connard, déjà le titre est à chier, ça sent la provoc de fin de récré, mais bon pourquoi pas (ouioui j'ai compris l'antagonisme entre "cher" et "connard"... ça rend pas la chose intelligente pour autant).


L'histoire en substance c'est que Oscar, un écrivain fils de prolo (ça elle y tient aux origines) que le succès à rendu super beauf et alcolo, écrit un message sur internet pour dire qu'elle a pris cher Rebecca, fille de prolo (what a surprise) star vieillissante et droguée du cinéma français, convertie au féminisme.


Rebecca lui répond, cher connard, et s'engage un échange de ce qu'on imagine être des emails, on sait pas trop.


Entre temps Oscar se fait "metooïser" par Zoé Katana, son ancienne attachée de presse, devenue bloggeuse féministe avec plein de followers pouces en l'air, qui l'accuse d'avoir ruiné sa vie en la harcelant.


L'idée ce serait donc de renouer le dialogue entre des gens qui se détestent idéologiquement.


A une époque où, comme l'écrit si bien Maria Pourchet " l'autre est bien insonorisé (...), il faut le vouloir pour l'entendre", je suis plutôt pour renouer le dialogue.


Sauf que...


En premier lieu je ne trouve pas que la nature épistolaire (si on veut) du roman  fonctionne très bien ici, cette forme confortant à mon sens le sentiment que ces personnages seraient incapables de s'adresser la parole s'ils se croisaient.


J'ai lu que ce serait une forme d'éloge du distanciel comme vecteur de rapprochement... Je vois le concept, ça me parait faux, ou inexact, pour beaucoup de raisons, mais pourquoi pas.


Ensuite je ne vois pas bien où les lecteurs et critiques ont trouvé de la "bienveillance" (celle-là alors...), de l'empathie, voire un "grand shoot d'humanité".


Personnellement ce que j'ai trouvé c'est un dégueulis de toutes les idées polémiques du moment (soit environ n'importe quel sujet), sur lesquelles au demeurant Despentes a eu l'occasion de s'exprimer à l'envi dans les tribunes qui lui sont désormais offertes. En gros, rien de neuf sous le soleil de la colère.


Cher connard c'est des gens qui se détestent et qui ne supportent pas que les autres s'en rendent compte. Moi j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de haine et de détestation dans ce livre, de soi et des autres, pour quand même un résultat assez médiocre en termes d'évolutions...


A quelques fulgurances près (je pense à la description de la copine squatteuse de canapé de Rebecca), je n'ai jamais retrouvé la tendresse qu'avait l'autrice pour ses personnages dans Vernon Subutex (sorry, not sorry).


Alors après Virginie Despentes elle est intelligente, elle a une vraie pensée, et à la limite qu'on la partage ou pas c'est pas le problème, elle a le mérite d'exister.


Mais le souci c'est qu'on a compris le message au premier tiers du livre et qu'après on a juste envie de ça s'arrête parce que 1: on s'ennuie beaucoup, 2: ça commence à sentir les leçons et 3: c'est quand même très mal écrit, surtout pour quelqu'un qui se paie le luxe de cracher sur le style de Céline.


En parlant de ça justement, je terminerai avec une citation qui laisse quand même pour le moins perplexe:

"Pour être un grand auteur, il suffit que trois fils à papa se pâment en hurlant au génie. Et je méprise les céliniens. Quand ils évoquent son style inégalable, c'est toujours la soumission au pouvoir qu'ils célèbrent-quand ce pouvoir est d'extrême droite. Le goût de la soumission, c'est un truc de facho. Céline singeait le langage prolétaire en vue d'obtenir un Goncourt, c'est-à-dire qu'il offrait aux salonards le prolo tel qu'ils l'imaginent. Veule, épais, incontinent, antisémite, incapable de bien baiser".  Virginie Despentes, autrice à succès, membre de l'académie Goncourt de 2016 à 2020.


(il va de soi que mon ressenti semblant minoritaire, il ne vaut que ce qu'il est, une opinion)
























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