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Roman - 80 pages
Gallimard Coll. Du monde entier - 2023
Première traduction française de ce roman, paru aux pays-Bas en 1952, de l'auteur hollandais Willem Frederik Hermans, présenté comme un écrivain majeur en son pays, à raison, et plus encore.
Il semble que l'auteur ait estimé les traductions soumises dans les années 60 trop médiocres pour être publiées...
Et il eût été dommage, en effet, de dénaturer un tel bijou.
Je ne pense pas possible, sans lui faire outrage, de résumer de manière pertinente ce roman, court, mais particulièrement intense, dans lequel le fond et la forme se percutent pour faire perdre au lecteur tous ses repères, ses certitudes et toute notion de bien ou de mal.
L'action se situe à la fin de la seconde guerre mondiale. On y découvre aux premières lignes un soldat hollandais enrôlé depuis 4 ans chez les partisans soviétiques.
Il est au milieu des fracas, il essaie d'avancer dans les vignes, se prend les pieds dans les mottes de terre, cherche un abri.
L'écriture est sèche, les phrases brèves, enchainées dans une sorte d'incohérence un peu hébétée qui nous laisse imaginer très précisément ce que doit être un homme après 4 ans de combats.
Et puis, envoyé en éclaireur dans un village abandonné de ses habitants, il découvre une maison intacte.
Il y a de la soupe sur le feu, un manteau négligemment abandonné sur un bout de canapé, mais aucun occupant ne se manifeste.
Le soldat s'abandonne à un confort dont sa mémoire même n'avait gardé que quelques traces, et s'installe, délaissant la guerre, sa mission, ses supérieurs, alors que l'écriture s'adoucit, se fait plus enveloppante.
Mais un jour un officier allemand frappe à la porte et notre soldat commet sa première erreur en se présentant comme le propriétaire des lieux.
A partir de là l'inquiétude ne cesse de grandir, les zones d'ombres distillées dans la maison par Hermans se répandent en une lente marée noire, dans laquelle toutes les réalités se muent en illusions.
Débute alors une escalade hallucinatoire confinant à la folie, qui nous laisse aussi dépassé et impuissant que le petit soldat, témoin d'un inéluctable engloutissement de toute forme d'humanité.
L'auteur ne fait preuve d'aucune complaisance à l'égard des hommes, de leur médiocrité, leur hypocrisie et de leur incapacité à préserver leur existence même.
Publié au sortir de la deuxième guerre mondiale, il semble que ce roman n'ait pas reçu un accueil très chaleureux...
Et pour cause, la terrifiante lucidité dont l'auteur fait preuve était probablement difficile à entendre à cette époque.
"La maison préservée" se lit le souffle court et se referme dans un sentiment de sidération inouïe.
Impressionnant.
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