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Récit - 216 pages
Grasset - 2020
Il est difficile
de parler du récit de Vanessa Springora plusieurs mois après sa sortie, tant il
semble que tout a été dit à son sujet.
Evidemment, ce
livre est bouleversant dans son sujet.
Et révoltant en
fait.
Bouleversant
parce qu’il expose sans apitoiement, mais sans fard, et avec une précision
chirurgicale, les mécanismes d’emprise qui peuvent pousser certains enfants à
concéder des faveurs sexuelles à des adultes.
Comment
appréhender la notion de consentement, nous interroge l’auteure ?
Quelle peut être
la valeur du consentement arraché à une enfant de 13 ans par un homme de
50 ?
Comment peut-on
parler de gestes consentis lorsqu’ils ne sont que l’issue d’une mécanique d'isolement bien
rodée par leur auteur, comme le piège d’un chasseur ?
La question n’est
pas simple, elle bouscule, comme elle a bousculé l’auteure qui aura mis des
années à accepter l’idée qu’elle a été victime d’un homme, alors même que les
séquelles de cette relation la poursuivent encore aujourd’hui.
Parce que ces
séquelles existent, elles sont terrifiantes et elles nous rappellent que non,
les enfants ne sont pas des adultes miniatures.
Révoltant
ensuite, le récit l’est parce qu’il met au jour un véritable système non seulement
d’impunité, mais encore de soutien, et presque de promotion de ces
comportements de prédation au motif que l’art serait supérieur à l’homme.
Et puis
quoi ? Faudrait-il s’estimer heureuse d’être violée par un artiste plutôt
que par un boucher ou un notaire ?
Quelle est la
place des intellectuels, ces pseudos libertaires qui dans les années 70
signaient des pétitions pour la libéralisation des relations entre adultes et
mineurs de moins de 15 ans, dans la persistance d’une société dans laquelle les
violences sexuelles sont communément admises comme l’expression d’une forme de
liberté des uns au prix de la vie des autres ?
Le récit
interroge encore évidemment sur les inégalités de classe dans le traitement des
violences sexuelles.
Comment expliquer
sinon que l’ont fasse preuve d’autant de complaisance à l’égard de ceux qui,
prétendument, servent un intérêt supérieur (l’art, vraiment ?)
« En dehors des artistes, il n’y a guère que
chez les prêtres qu’on a assisté à une telle impunité. La littérature
excuse-t-elle tout ? »
Notons que les
curés eux, auront reçu moins de soutiens prestigieux lorsque la parole a
commencé à se libérer.
Le récit de
Vanessa Springora, outre l’intérêt qu’il présente au regard des évolutions
sociétales actuelles, est éminemment passionnant sur le fond, que l’on ait, ou
non, une opinion arrêtée sur les questions qu’il soulève.
Enfin aux esprits
chagrins qui penseraient pouvoir discréditer l’ouvrage sur sa forme, sachez
qu’il est on ne peut plus légitime à être publié.
La construction
du récit, particulièrement, est implacable, d’une précision millimétrée, servie
en outre par une écriture toute en sobriété qui n’a certes pas à rougir face à
la grosse majorité des sorties « essais » contemporaines.
C’est un récit
indispensable, profondément empathique, qui confirme la puissance du témoignage écrit en ce
qu’il permet de prendre le temps : à l’auteur d’expliquer, et au lecteur
de comprendre, chacun à son propre rythme, mais dans un même mouvement.
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