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Là où meurent les rêves de Mukoma Wa Ngugi: ... environ en page 12.



😻
Roman (polar)
Traduit de l'anglais (Kenya) par Benoîte Dauvergne
L'aube Noire 2018 - 240 pages

J'aurais aimé, du fond du cœur, pouvoir dire du bien de ce roman, dire qu'il m'a replongée dans le Kenya que j’ai eu la chance de traverser, dire qu'il m'a, en réalité, emmenée plus loin que ce Kenya de carte postale...

Mais honnêtement, c'est pas lisible.

En littérature comme partout, la forme a son importance, et l'absence précisément de littérature, quand on prétend écrire un roman, a tendance à m'irriter, tant j'aurais du coup préféré lire le Géo spécial Kenya, au moins j’aurais vu de belles images.

Je ne sais pas si le problème vient de la traduction ou du texte initial mais concrètement, le livre souffre d'une absence totale de maîtrise et de style, maquillée avec un passé simple désuet et mal employé.

C'est comme si l'auteur cherchait sa place, son ton, oscillant entre un langage soutenu à l'extrême (j'ai vu de l’imparfait du subjonctif, oui oui) et une vulgarité sortie de nulle part et parfaitement inappropriée.

Exemples de cette pauvreté littéraire:

"Voilà comment, le temps d'une soirée, je me comportai comme un simple flic chargé de résoudre une affaire qui le dépassait totalement; je partageai avec O une, deux, de nombreuses bières. Parfois, il est bon de prendre un jour de congé afin d'entamer la journée suivante le regard neuf"

Pire encore, quelques lignes plus bas:

"On fume et ensuite on dame c'te putain d'omelette, dit-il comme un mec du ghetto"

Comme un mec du ghetto...

Je n'ai même pas de mot pour commenter cette phrase...

A supposer qu'on parvienne à passer outre cette affreuse écriture, on ne se trouve pas mieux loti côté intrigue, laquelle se résume globalement à une succession de scènes sans lien entre elles.

Le tout est tellement artificiel qu'il est quasiment impossible de se projeter dans l'intrigue.

On retrouve le cadavre d'une femme blanche, (dont les cheveux blonds sont, je cite, "éparpillés" autour de sa tête) sur le palier d'un homme noir,universitaire et héros du génocide rwandais.

Ishmael, le flic, noir lui aussi, d'une bourgade de classes moyennes/aisées, plutôt blanche, des Etats-unis, est chargé de l'enquête.

Deux pages après la découverte du corps, l'auteur lance déjà des formules éculées du type "l'affaire piétine"... C'est-à-dire qu'à un moment, il faudrait déjà qu'elle commence avant de pouvoir piétiner.

On en est là à peu près (à part que le légiste pense que la victime se sentait très proche du tueur.... probablement qu'il est légiste et voyant en même temps) quand Ishmael, on ne sait pas pourquoi ni d'où ça sort, reçoit un appel lui disant que la réponse est au Kenya.

Et là, le chef de la police du bled l'envoie sans tiquer, et sans indice, au Kenya, le pays d'origine d'Ishmael donc, je vous épargne les détails du retour aux origines...

Quoiqu'il en soit, s'ensuit une enquête qui aurait pu être intéressante si elle avait été bien menée.

J'ai l’impression que certains auteurs oublient qu'écrire un polar ce n'est pas simplement poser un cadavre sur un perron et envoyer son personnage dans de lointaines et fabuleuses contrées.

Etre auteur de polar c'est savoir nouer les personnages entre eux, les faire évoluer en même temps que les faits, c'est un sens de l'à propos et une empathie qui permet au lecteur de s'identifier et de s'accrocher à l'intrigue.

S'il manque un de ces éléments, ça ne fonctionne pas, c'est tout.

Et quoiqu'il en soit, être auteur de polar en 2018, c'est n'avoir jamais, JAMAIS, à écrire ce genre de phrase:

"Je n'avais pas réussi à joindre le chef - mon crédit était insuffisant. O me suggéra de lui envoyer un SMS lui demandant de me rappeler. J'étais sceptique, mais son idée fonctionna car quelques minutes plus tard, le téléphone sonna."





























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